Les terres rares.

Les terres rares.

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Bonjour à tous et bienvenue dans cette vidéo où je vais vous parler de terres rares. J’ai déjà parlé un peu des terres rares dans plusieurs vidéos mais vu que ce sujet revient souvent et que j’avais moi-même pas mal d’interrogations, je me suis dit que ce serait bien d’avoir une vidéo dédiée. Si je fais bien mon boulot vous devriez comprendre ce que sont les terres rares, à quoi elles servent et quels sont les problèmes qu’elles posent. Ah oui… Ces derniers temps j’ai été un peu occupé, j’ai déménagé et j’en ai profité pour aménager un décor un peu plus sympathique qu’un canapé, un radiateur et une plante… D’ailleurs, pas d'inquiétude, mon monstera a survécu mais comme je filme maintenant chez mes parents vous ne le verrez plus. Si vous êtes un habitué de la chaîne, n’hésitez pas à me dire ce que vous pensez des changements de forme que cette vidéo apporte. Allez trève de bavardages, c’est parti ! D’abord les terres rares c’est quoi? On désigne par “terres rares” un groupe de métaux aux propriétés voisines. On retrouve, dans les terres rares, le scandium, l’yttrium

et le groupe des lanthanides: lanthane, cérium, praséodyme, néodyme, prométhium, samarium, europium, gadolinium, terbium, dysprosium, holmium, erbium, thulium, ytterbium et lutécium…. Le moins qu’on puisse dire c’est que, pour désigner ces 17 éléments chimiques, le terme de “terres rares” est plutôt inadapté. D’abord parce qu’elles ne sont pas rares - je détaillerai ce point plus loin - mais aussi parce que le terme de terres a mal vieilli et devrait être actualisé en minerais, on aurait donc des minerais rares. A la fin du XVIIIème siècle, on découvre en effet des minéraux peu communs. Les chimistes pensent alors découvrir deux nouveaux éléments: l’yttrium puis le cérium mais il y a beaucoup plus d’éléments dans ces minerais et ils mettront plus d’un siècle à être tous séparés et identifiés.

Ce qui unit ces métaux, ce sont des propriétés chimiques très proches, ce qui a deux conséquences: on les trouve associés dans la nature et leur séparation est difficile. Cette séparation difficile explique leur découverte tardive mais également une partie des impacts de leur production. Mais, avant de parler des problèmes que soulèvent les terres rares, il faut parler de leurs nombreuses utilisations. Même en petite quantité, leurs propriétés physiques particulières ont des applications extrêmement précieuses dans de nombreux domaines. Ce qui leur vaut le surnom, à mon

avis mérité, de vitamines de l’industrie moderne. Les terres rares ont d’abord été utilisées sans que les différents éléments soient séparés notamment sous forme de mischmetal, un mélange de terres rares directement extrait de l’environnement. Vous en avez probablement manipulé parce que c’est la matière qui constitue les pierres à briquet. (Démonstration ? Voilà… Je viens d’utiliser des terres rares). Ce mischmetal est aussi utilisé dans le domaine de la fonderie, il y a donc des terres rares dans certains alliages.

L’utilisation des terres rares séparées décolle réellement avec la démocratisation des écrans cathodiques et l’utilisation de ce qu’on appelle les luminophores; des substances qui, si elles sont excitées, par exemple par un courant électrique, émettent de la lumière. Pour les écrans cathodiques puis pour les écrans LCD et plasma que nous utilisons aujourd’hui, c’est, avec d’autres éléments, l’yttrium et l’europium qui donnent le rouge, l’europium qui donne le bleu et le terbium qui donne le vert. Si vous me regardez là tout de suite… Vous regardez aussi des terres rares. Et, pour ma part, je dois dire que je passe beaucoup de temps à regarder des terres rares. Le revêtement luminophore des lampes fluorescentes contient de l’yttrium, du cérium, du lanthane, de l’europium et du terbium et des terres rares sont également utilisées dans certaines LEDs. La réduction drastique de la consommation électrique pour l’éclairage s'est donc

faite, au moins en partie, grâce aux terres rares. Aujourd’hui, les luminophores restent l’utilisation majoritaire pour l’europium, le terbium et l’yttrium mais ne représentent que 4% de l’utilisation des terres rares. J’ajoute quelques quantifications mais ce sont des chiffres de 2018 et il y a des variations entre les données disponibles. Je pense que les ordres de grandeur sont bons mais ça

a peu de chance d’être juste au pourcent près. Le lanthane est utilisé dans les accumulateurs rechargeables nickel-hydrure métallique. Si vous avez des piles AA ou AAA avec marqués Ni-MH dessus, il y a du lanthane dedans. Encore des terres rares que vous utilisez sans doute régulièrement. Cette technologie nickel-hydrure métallique a été utilisée dans les premières générations de batteries des voitures électriques comme, par exemple, pour la Toyota Prius. Mais, elle est aujourd’hui presque entièrement remplacée par des batteries lithium ion qui n’utilisent pas de terres rares. Je répète,

il n’y a pas de terres rares dans les batteries qui équipent aujourd’hui la majorité des voitures électriques. Il peut en revanche y en avoir dans les moteurs des voitures électriques comme on le verra un peu plus loin. 11% du volume de terres rares utilisé dans le monde le serait dans des batteries.

Mais le lanthane est encore plus utilisé comme catalyseur, notamment pour le raffinage de pétroles lourds. On utilise donc des terres rares pour la production de carburants. Une autre terre rare, le cérium, est utilisée dans les pots catalytiques des voitures thermiques pour réduire les émissions de certains polluants. Avec 19%, les catalyseurs représentent une utilisation importante des terres rares. Une autre utilisation importante, ce sont les poudres de polissage et les additifs dans le verre. Il y a des terres rares dans les lunettes de soleil, pour traiter certaines impuretés du verre et dans les poudres servant à polir des écrans de téléphone portables, les écrans de télévision ou encore des pare-brises. Des terres rares sont utilisées dans des applications militaires de pointe, dans les fibres optiques qui vous permettent peut-être de regarder cette vidéo, dans des pigments ou, encore, dans les lasers. On pourrait continuer cette liste, mais gagnons un peu de temps

et mettons tout ça dans une catégorie “Autres”. Mon point ici est surtout de vous montrer que les terres rares sont déjà présentes dans beaucoup d’objets d’usage courant et vous en avez, en petite quantité, un peu partout autour de vous. Alors là, évidemment, vous voyez que mon petit camembert n’est pas complet… parce que j’ai gardé le meilleur pour la fin. Les discussions sur les terres rares se concentrent souvent sur une utilisation particulière: les aimants qui sont l’utilisation majoritaire de plusieurs terres rares: praséodyme, néodyme, samarium et dysprosium. Les aimants contenant des terres rares sont beaucoup plus puissants que les aimants traditionnels, ce qui permet leur miniaturisation. Les aimants de terres rares sont aujourd’hui indispensables

aux disques durs, aux petits moteurs électriques et aux téléphones portables pour les micros, les vibreurs et les hauts parleurs. On trouve ces aimants partout, des jouets aux moteurs de TGV en passant par les appareils utilisés pour l’imagerie à résonance magnétique. Mais, on évoque souvent ces aimants comme la face cachée des énergies dites “vertes”, un terme qui me déplaît parce qu’il laisse croire à des objets parfaits… On va donc l’éviter dans le reste de la vidéo. Si des terres rares sont utilisées dans certaines technologies de panneaux photovoltaïques ça concerne une faible part de marché et des applications souvent spécifiques. Plus de 90% des panneaux photovoltaïques reposent sur des technologies au silicium qui ne contiennent pas de terres rares. Par contre, ces aimants sont utilisés dans la majorité des moteurs des voitures électriques (pas dans les batteries) et dans une minorité d’éoliennes. Ce sont notamment ces applications

qui me poussent à parler des terres rares dans une série de vidéo où on parle d’énergie. On a déjà parlé de l’intérêt écologique des éoliennes et des voitures électriques sur la chaîne et je vous renvoie vers ces vidéos si ce sujet vous intéresse. Vu qu’on a passé plusieurs minutes là-dessus, vous savez maintenant que les terres rares ne sont pas une spécificité de ces technologies et c’est un premier point intéressant. Quand on regarde comment se répartit l’utilisation des terres rares entre les applications dont on a parlé, on voit que ces aimants constituent environ 20% en volume. Les applications dans les éoliennes ou les voitures électriques constituent donc une fraction de ces 20%, fraction que je suis incapable de quantifier.

Ce qui amène une question importante: est-ce que les terres rares vont limiter le déploiement des éoliennes et des voitures électriques ? Pour y répondre, il faut déjà regarder si les terres rares sont indispensables à ces technologies. La Zoé de Renault et certaines Tesla utilisent un moteur électrique qui ne contient pas de terres rares. Les moteurs des voitures électriques peuvent donc, si besoin, se passer de terres rares au prix d’un alourdissement et d’une utilisation supplémentaire de cuivre et d’aluminium. L’utilisation de terres rares dans les voitures électriques est un calcul économique, voire écologique comme on en discutera plus loin. Pour les éoliennes, vous voyez sur cette figure que la consommation de terres rares, en kg par MW, dépend beaucoup de la technologie utilisée. Aujourd’hui, près de 80% des éoliennes terrestres utilisent des boîtes de vitesse et donc très peu de terres rares.

Par contre, les éoliennes en mer reposent sur des technologies sans boîte de vitesses qui utilisent plusieurs centaines de kg de terres rares par MW installé. Les éoliennes en mer les plus puissantes dépassent les 10 MW et ont donc besoin de plus de deux tonnes de terres rares. Pour résumer… On attaque souvent éoliennes, panneaux photovoltaïques et voitures électriques à cause de leurs utilisations de terres rares. Pourtant, les éoliennes terrestres s’en passent largement, les panneaux photovoltaïques n’en ont pas besoin et les voitures électriques utilisent des terres rares dans leurs moteurs mais la substitution est tout à fait possible. Seule l’utilisation des terres rares dans les éoliennes en mer est difficilement substituable parce que leur entretien complexe et coûteux pousse à utiliser des technologies reposant sur des aimants de terres rares qui réduisent les besoins de maintenance. Vu l’intérêt et les multiples utilisations des terres rares, il faut faire le point sur leur rareté.

Contrairement à ce que leur appellation laisse croire, les terres rares ne sont pas rares. Je vous montre ici une figure de l’abondance de différents éléments dans la croûte terrestre. On peut voir que les terres rares y sont aussi répandues que des métaux que l’industrie utilise en volume beaucoup plus important. Si on cherche des éléments rares

dans la croûte terrestre, on pense plutôt à des métaux comme le platine, le rhodium ou le palladium qui sont aujourd’hui utilisés pour une large part dans les pots catalytiques des voitures thermiques. Il y a une forme d’ironie quelque part là-dedans. D’ailleurs, on le voit également au niveau de la production. Dans les données disponibles, les terres rares sont souvent regroupées ensemble sous forme d’oxydes de terres rares. C’est un petit marché très secret et les quantifications sont plus incertaines que sur des métaux bénéficiant de quantités importantes et de marchés de grande échelle.

La production d’oxydes de terres rares est passée d’environ 30 000 tonnes en 1985 à 240 000 tonnes en 2020, soit une multiplication par 8 en un peu plus de 30 ans. Si on compare à des matières comme le fer dont on a produit 1 300 millions de tonnes en 2019 ou le cuivre dont on a produit 20 millions de tonnes la même année, on voit que les terres rares représentent un petit marché. Mais, cette production est déjà bien supérieure à des métaux qui mériteraient le qualificatif de rare comme le platine ou le palladium dont la production est de quelques centaines de tonnes par an. Maintenant regardons les réserves c’est-à-dire les gisements identifiés et économiquement exploitables estimés par l’institut d’études géologiques des États-Unis (USGS pour les intimes). Il y aurait 120 millions de tonnes de terres rares, soit 500 ans d’exploitation

au rythme actuel. Et même si il est anticipable que la demande augmente et la production avec, on a encore de la marge. En plus, comme j’en ai déjà parlé sur cette chaîne, les réserves sous-estiment largement les quantités de minérai du sous-sol puisque si on a des décennies ou des siècles de réserves devant nous… on ne va pas chercher davantage. Les réserves estimées par l’USGS ici,ne se basent que sur une dizaine de pays. La Chine dispose d’importantes réserves

déclarées, mais également le Brésil, le Vietnam, la Russie, l’Inde et l’Australie. En plus des futures découvertes, les réserves augmentent également avec les améliorations technologiques ou l’augmentation des prix qui rendent une partie des ressources économiquement exploitables. A tout ça s'ajoutent des ressources non conventionnelles comme les gisements sous-marins découverts par le Japon qui contiennent de grandes quantités de terres rares mais dont l’exploitation est bien plus coûteuse et énergivore que l’extraction traditionnelle, en plus d’être très polémique. Même sans les gisements non conventionnels, il y a suffisamment de réserves et de ressources.Et il est très improbable que les quantités disponibles dans le sous-sol soient une limite à l’exploitation des terres rares pour les prochaines décennies. Ce qui n’empêche pas forcément des problèmes d’approvisionnement si la demande augmente fortement et que l’ouverture de nouvelles mines n’est pas anticipée parce qu’ouvrir une mine… ça prend du temps. Un autre souci qui peut se présenter serait une forte demande

pour un élément spécifique. Vu qu’on trouve plusieurs éléments mélangés dans les terres rares, l’équation économique de leur exploitation dépend de l’intérêt porté à tous ces éléments. Si l’abondance géologique des terres rares ne semble vraiment pas être un problème...

La répartition de la production mondiale en est un ! La production de terres rares est actuellement majoritairement chinoise mais ça n’a pas toujours été le cas. De 1965 à la fin des années 80, la seule mine de Mountain Pass aux États-Unis permettait de répondre à plus de la moitié de la demande mondiale de terres rares. Mais le gouvernement chinois souhaitait développer l’extraction de ses importants gisements de terres rares. Des normes environnementales peu strictes, une main d'œuvre peu chère, une vision industrielle et un soutien politique fort ont permis à la Chine de s’imposer et d’obtenir rapidement un quasi monopole de l’extraction et du raffinage de terres rares. Dès la fin des années 90 et pour une vingtaine d’années, la Chine a régné sans partage sur la production de terres rares. Cette production a été portée pour une part importante par

la seule mine de Bayan Obo, une mine de fer qui coproduit des terres rares en faible quantité par rapport au fer. La production de cette mine s’ajoute à une poignée de mines de moindre importance et à une extraction artisanale, dispersée et très polluante. La Chine après avoir acquis le quasi monopole sur l’extraction et le raffinage de terres rares a voulu limiter ses exportations pour se concentrer sur son marché intérieur et l’exportation bien plus rentable des produits à haute valeur ajoutée contenant des terres rares. Pour ça, elle met en place diverses stratégies dont des quotas à l’exportation.

En quelques décennies, la Chine a réussi à s’emparer de toute la chaîne de valeur des terres rares: de l’extraction des minerais à de nombreux produits finis qui en contiennent. C’est la clef de ce sujet complexe, la Chine ne vend pas que des terres rares, elle vend surtout des aimants permanents, des moteurs électriques et d’autres objets qui contiennent des terres rares. En 2010, un incident diplomatique entre le Japon et la Chine conduit la Chine à décréter un embargo sur les exportations de terres rares vers le Japon qui en est très dépendant. Le petit marché monopolisé des terres rares se tend alors subitement. On assiste à une

flambée des prix et à une prise de conscience mondiale de ce que coûte, au sens propre et figuré, la dépendance à la Chine. Dépendance qu'elle a soigneusement organisée. Ces dernières années, l’extraction s’est un peu diversifiée. La Chine qui avait quasiment le monopole de l’extraction il y a 10 ans n’extrait “plus que” 60% des minerais de terres rares. Mais, elle continue d’opérer près de 90% du raffinage. La mine américaine de Mountain Pass qui a été rouverte envoie, par exemple, les minerais extraits en Chine pour leur raffinage. Et, la Chine produit encore sur son territoire les objets à haute valeur ajoutée qui contiennent ces terres rares. Par exemple, plus de 90% des aimants

de terres rares proviennent encore de Chine. Ce quasi monopole chinois n’est pas le seul problème que pose les terres rares. L’exploitation de ces métaux est particulièrement polluante ! Il est indéniable que l’extraction des terres rares qui a eu lieu en Chine pendant les 20 dernières années a eu, a et aura des conséquences environnementales et sanitaires importantes. L’exploitation artisanale et illicite des terres rares laissent des territoires dévastés et, souvent, les produits chimiques utilisés sont simplement abandonnés sur place et peuvent contaminer l’aval.

Mais les effets négatifs ne sont pas caractéristiques de la seule exploitation artisanale: l’immense mine de Bayan Obo est l’un des pires sites miniers du monde. Les rejets miniers s’y accumulent à l’air libre et les effluents sont simplement rejetés dans un barrage de retenue où les éléments toxiques s’accumulent. Les populations alentour y sont exposées par voie aérienne via des poussières ou par l’eau puisque les nappes phréatiques et l’aval du site sont contaminés. Les éléments les plus préoccupants sont les fluorures, l’arsenic et d’autres métaux comme le mercure, le plomb et le sélénium dans l’eau ou le cuivre, le zinc, le cadmium et le manganèse dans l’alimentation. De multiples effets sur les cultures, l’élevage et la santé humaine sont documentés.

Il ne fait pas de doutes que la capture du marché mondial de terres rares par la Chine s’est faite au prix de dégradations environnementales et de grandes souffrances pour les populations locales. Et les matériaux extraits à ce prix se trouvent dans nos écrans, nos téléphones portables, nos jouets, nos ampoules et bien d’autres applications. Dans mes recherches, un aspect était souvent évoqué dans les articles de presse: les terres rares produiraient des déchets radioactifs. Ce point spécifique me pousse à faire une petite digression. Dans la vidéo sur la radioactivité naturelle, je vous ai expliqué qu’il y avait des éléments radioactifs naturellement présents sur Terre auxquels nous sommes exposés. Un individu de 80 kg a environ 8000 désintégrations radioactives par seconde dans son corps.

Parmi ces éléments, une partie sont produits en haut de l’atmosphère par des rayonnements cosmiques comme le célèbre carbone 14. D’autres sont présents sur Terre depuis sa formation: uranium, thorium et un isotope du potassium: le potassium 40. En plus de l’uranium et du thorium, on peut être exposé aux éléments de leur chaîne de désintégration: du radium, des isotopes radioactifs du plomb ou encore le radon: un gaz radioactif produit naturellement qui peut s’accumuler dans les caves. Comme les terres rares sont assez proches chimiquement de l’uranium et du thorium, les minerais dont on extrait certaines terres rares peuvent contenir ces radionucléides et leurs éléments fils. Au cours des procédés de traitement de ces minerais, on peut concentrer

ces radionucléides et créer des déchets enrichis en radionucléides naturels. C’est pour ça que certains rejets de l’extraction des terres rares sont qualifiés de radioactifs. Par exemple, l’usine de séparation de terres rares de Solvay à la Rochelle produisait des déchets contenant du thorium. Ces déchets sont gérés par l’ANDRA, l’agence nationale chargée de la gestion de tous les déchets radioactifs, même si ce Thorium est juste là naturellement. Le traitement des terres rares n’est pas la seule activité industrielle concentrant des radionucléides naturels: production d'engrais phosphatés, certains traitements des eaux ou encore la combustion de charbon qui concentre les radionucléides dans les cendres.

Mais le caractère radioactif a une part d’arbitraire… Techniquement, je suis moi-même radioactif… dans le sens où mon corps contient des radionucléides. Il n’y a pas d’un côté ce qui n’est pas radioactif et de l’autre ce qui l’est pas mais une continuité qui va d’éléments naturels très peu radioactifs à des déchets extrêmement radioactifs provenant du combustible usé des centrales nucléaires. Et, sur cet axe, les déchets radioactifs de l’industrie des terres rares sont des déchets de très faible activité... bien plus proche de la radioactivité naturelle du granit que du combustible usé sortant d’un réacteur nucléaire. C’est important de comprendre que ces déchets qualifiés de radioactif n’ont rien à voir avec les déchets radioactifs les plus dangereux auxquels ce mot fait souvent penser. Pour

les résidus de terres rares, on parle de niveau de radioactivité où on n’est même pas sûr qu’il y ait des effets sur la santé. Enfin, et c’est à mon avis le point le plus important, les résidus miniers d’une extraction bordélique de terres rares impliquent des pollutions plus graves et dont les conséquences sont bien mieux étayées que la concentration de radionucléides naturels: notamment à cause de l’utilisation de produits chimiques et à cause de la dispersion dans l’environnement de métaux lourds extraits du sous-sol. Les impacts environnementaux d’une mauvaise exploitation des terres rares sont indiscutables mais doivent très probablement très peu aux radionucléides présents dans les minerais. A ce moment de la vidéo, il est peut-être tentant de penser que les problèmes de pollution soulevés disqualifient les terres rares. Ce serait une conclusion simple et pratique mais il y a plusieurs choses importantes à prendre en compte. D’abord, ce n’est pas parce que des terres rares ont été extraites dans de très mauvaises conditions qu’on ne peut pas faire autrement surtout vu à quoi ressemble l’exploitation chinoise jusqu’ici. C’est un peu long à présenter mais je vous laisse avec les

autres sources, une étude qui compare les impacts de la production de terres rares en Australie, aux États-Unis et en Chine. En bref, la production chinoise est de loin la pire et il ne faudrait pas croire qu’une exploitation de terres rares ressemble forcément aux terribles images provenant des complexes chinois. Second point important: si il est vrai que l’extraction et la séparation des terres rares demandent plus d’efforts que pour d’autres métaux, c’est contrebalancé par le fait que les quantités à extraire ne sont pas énormes. La production mondiale de terres rares a été portée pour une large part par une seule mine américaine puis une mine chinoise. Autant dire que l’appétit pour ces terres rares ne nous fait pas sortir des trucs du sol à la même vitesse que notre addiction aux ressources fossiles.

Et il faut aussi garder en tête que si les mines ont des conséquences environnementales importantes, ces conséquences sont locales. A l’inverse, par exemple, des émissions de CO2 qui ont des conséquences sur l’ensemble de la planète via le changement climatique. Il est plus facile de circonscrire et gérer des pollutions locales que des pollutions globales. Enfin, on ne peut pas s’arrêter à la seule question de la présence des terres rares. Il faut mettre les conséquences négatives de la production face aux bénéfices que l’on tire de ce qui est produit. Et, quand on compare des alternatives, il faut mettre

les dégâts de l’extraction des terres rares face à ce que cette extraction fait éviter. Les ampoules utilisant des terres rares malgré cette utilisation ont un meilleur bilan environnemental que les ampoules à incandescence parce qu’elles permettent d’utiliser beaucoup moins d’électricité. De la même manière, réduire la production d'électricité de centrales au charbon par de l’éolien en mer sera globalement positif tant les effets de l’exploitation du charbon et de sa combustion sont désastreux.

Après, il y a des cas où ce bilan environnemental peut être plus difficile à juger. Par exemple, on a dit qu’on pouvait faire des moteurs de voitures électriques sans terres rares. Vous pensez peut-être que ce serait écologiquement préférable. Mais, pour se passer de terres rares, il faut plus de cuivre et d’aluminium et le moteur sera plus lourd. Le cuivre et l’aluminium ne poussant pas sur les arbres, il faut donc

mettre les effets de cette extraction face à celle des terres rares. Si on prend tout ça en compte, est-ce que c’est la voiture électrique sans terres rares dans son moteur qui a le moins d’impact ? En théorie, on pourrait répondre à cette question avec une méthode de comptabilité environnementale: l’analyse du cycle de vie. Mais, je n’ai pas trouvé d’études sur ce point précis, d’ailleurs si vous en trouvez ça m’intéresse ! Intuitivement, je pense que cette question est dure à trancher parce que la différence risque d’être faible devant la précision des données. En plus, ça dépend pas mal des mines d’où sont extraits ces métaux: une mine industrielle de terres rares dans un pays développé aura vraiment beaucoup moins d’impact par kg de métal que de l’extraction artisanale illégale. Je prends surtout cet exemple pour signaler que l’’équation écologique est rarement simple et refuser les terres rares à cause de leur extraction polluante ne sera pas toujours le choix optimal ! Ne tombez pas dans ce travers trop fréquent de chercher les défauts à la technologie qui ne vous plaît pas en ignorant les défauts des alternatives. Et méfiez-vous de ceux

qui sont dans ces démarches à charge. Surtout, ce n’est pas parce qu’une technologie est largement répandue autour de nous aujourd’hui,qu’elle n’a pas d’impact. C’est bien de se demander ce qu’il y a derrière des technologies émergentes mais n’oublions pas les défauts derrière celles qu’on utilise tous les jours. Et ici je pense évidemment aux multiples utilisations des ressources fossiles. Dans la vidéo sur les batteries des voitures électriques, on a discuté de la possibilité de rapatrier la production du lithium en Europe, voire en France, pour mieux maîtriser les impacts environnementaux associés. Et je continue de croire que ce serait écologiquement et moralement préférable d’assurer l’extraction des métaux qu’on utilise parce qu’elle se ferait dans de meilleures conditions.

Alors est-ce qu’on pourrait argumenter de la même manière pour les terres rares ? Il y aurait beaucoup d’intérêt à avoir une production européenne de terres rares. Ce sont des éléments clefs de certaines technologies militaires, elles sont indispensables à de nombreuses applications électroniques et ont un intérêt écologique. L’union européenne a bien pris conscience de l’importance de ces questions et les terres rares font partie des éléments qu’elle considère comme critique. Malheureusement l’idée d’une industrie européenne des terres rares se heurte à des obstacles importants. D’abord, l’Europe n’est pas bien lotie au niveau de l’extraction. Il n’y a aucune

mine de terres rares en opération dans les pays de l'Union européenne. Côté ressources, si on exclut le Groenland et la partie occidentale de la Russie, c'est la Scandinavie qui dispose des ressources les plus intéressantes mais les mines de terres rares les plus avancées n’y sont qu’à l’état de projet. Les gisements y existants ont une plus faible teneur en terres rares par rapport aux gisements présents dans le reste du monde. L’évocation du Groenland vous a peut-être surpris mais c’est un territoire danois et l’Europe a longtemps espéré que l’exploitation de terres rares s’y développerait. Le Groenland dispose d’importantes réserves minérales dont de très intéressants gisements de terres rares. Mais, depuis les élections d’avril 2021, le parlement groenlandais est opposé à l’extraction du pétrole, du gaz et de l’uranium. Ce positionnement politique est

venu interrompre un projet d’exploitation de terres rares et d’uranium qui était bien avancé. Dans la mesure où de l’uranium est souvent présent dans les gisements intéressants de terres rares au Groenland, une interdiction de l’exploitation des minerais contenant de l’uranium peut impliquer que les terres rares n’y seront pas exploitées malgré les importantes réserves du pays et quand je dis ça ce n’est pas un jugement de valeurs : les groenlandais peu nombreux ont le droit de refuser les impacts environnementaux d’une exploitation minière dont ils bénéficieront assez peu. Il est donc peu probable que l’exploitation du sous-sol de l'Union européenne lui apporte l’auto-suffisance pour les terres rares. Mais, le problème ne se situe pas qu’à

l’extraction, il faut maîtriser le reste de la chaîne de valeur et l’Europe a peu de capacités de raffinage. Une des rares exceptions est une usine française: l'usine Solvay à La Rochelle qui est la plus vieille usine de séparation de terres rares encore fonctionnelle. Elle produit notamment des pots catalytiques pour l’industrie automobile et des poudres de polissage. Pendant longtemps, elle a produit des terres rares à partir de minerais australiens. Parmi les résidus du processus, il y avait des déchets faiblement radioactifs qu’on a évoqués plus haut. Devant les oppositions locales à ces déchets et le durcissement

de la réglementation environnementale, l’usine a décidé de se débarrasser du problème. Les minerais de monazite australienne sont ainsi prétraités en Malaisie pour en retirer les éléments jugés gênants comme le thorium. Et je fais cette petite parenthèse car je trouve ça regrettable quand certaines luttes se revendiquant de l’écologie finissent, volontairement ou non, par rejeter les conséquences négatives sur des populations plus vulnérables en les accroissant au passage. Je serais plutôt favorable à assumer sur notre sol le raffinage

des métaux qu’on utilise. Raffiner les terres rares sur le sol européen serait une manière d’assumer une partie de l’impact environnemental des terres rares même si on ne les sort pas de notre sous-sol. Il y a cependant deux limites importantes. D’abord, le transport de minerais qui ne contiennent que quelques pourcents de matières valorisables n’a pas forcément de sens et il est sans doute plus écologique d’installer les opérations les plus lourdes du raffinage au plus près des sites d’extraction. Ensuite, rapatrier le raffinage suppose qu’on maîtrise la chaîne de valeur en aval… ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Ça n’aurait pas de sens de raffiner les terres rares chez nous pour les renvoyer en Chine dans les usines de production d’aimants ou de moteurs électriques.

Acquérir un savoir-faire dans ces technologies semble être une étape indispensable si l’Europe veut un jour réduire sa dépendance sur les terres rares. Vous voyez que la question des terres rares est un sacré casse-tête. Pour les prochaines années, il y a de grandes chances que l’Europe reste dépendante du reste du monde pour l’extraction et le raffinage des terres rares mais aussi pour un certain nombre d’objets qui en contiennent. Pour les dégâts environnementaux, il est souhaitable de faire des mines moins sales mais il est difficile pour les consommateurs de faire pression dans cette direction. C’est quand même plus dur de choisir l’origine des terres rares dans son téléphone portable ou dans les éoliennes installées au large de nos côtes que de choisir un paquet de café issu du commerce équitable.. Pour finir, je vais dire quelques mots sur le recyclage des terres rares.

Aujourd’hui, le recyclage des terres rares est inexistant parce qu’elles sont souvent présentes en faibles proportions. Il y a moins d’un pour cent de terres rares dans les ampoules qui en contiennent et moins d’un gramme de terres rares dans un téléphone portable. Si le recyclage se développe ce sera pour les applications les moins dispersives. Il y a par exemple des espoirs pour les aimants de terres rares en supposant qu’on puisse les extraire des objets dont ils font partie. En particulier, si on continue de mettre des terres rares dans les voitures électriques, ou encore mieux, dans de grosses éoliennes en mer, ça ouvrirait à un recyclage bien plus facile parce que les quantités en jeu seraient plus importantes et l’équation physique et économique associée bien plus à l’avantage du recyclage. Démonter une éolienne en mer pour récupérer 2 tonnes de terres rares est bien plus facile et rentable que démonter des millions de téléphones pour en faire autant.

Mais, l’intérêt de ce recyclage dépendra des besoins en terres rares au moment où ces objets arriveront en fin de vie. On retrouve également la problématique de la chaîne de valeur. Le recyclage a beaucoup moins de chance de se mettre en place sur le territoire européen si on ne sait pas raffiner les terres rares et si il n’y a pas localement des industries intéressées par ces terres rares. Enfin, on parle ici d’applications qui sont amenées à croître. Le recyclage, même s' il se met en place, ne serait capable de ne couvrir qu’une partie de la demande. Il faut continuer de s’intéresser au recyclage puisqu’il pourrait permettre de dépendre moins de la production primaire et donc potentiellement de réduire les conséquences néfastes de l’utilisation des terres rares. Mais, les difficultés sont plus importantes que pour

d’autres métaux et il est improbable que le recyclage permette de fournir une part importante de terres rares dans un futur proche. Les terres rares forment un groupe de 17 métaux aux propriétés chimiques proches. On les trouve donc toujours associés dans le sous-sol. Ce qui explique leur découverte tardive et la difficulté à les séparer.

Ces métaux ont aujourd’hui de très nombreuses applications: éclairage, téléphones portables, disques durs, raffinerie de pétrole, pots d’échappement de voitures thermiques, moteurs électriques, éoliennes en mer, pigments, verres, applications médicales et militaires… y en a un peu partout autour de vous. Les éoliennes terrestres et les panneaux photovoltaïques n’utilisent pas, ou peu, de terres rares. Les voitures électriques n’en utilisent que dans leur moteur et cette utilisation peut être substituée. L’utilisation par les éoliennes en mer semble par contre plus difficile à substituer.

Les terres rares ne sont pas rares et le sous-sol a peu de chance d’être une limite à court ou moyen terme. Mais le quasi monopole chinois sur la production de terres rares et, surtout, de certaines technologies clés qui en contiennent nous met dans une relation de dépendance, a été la source de tensions géopolitiques et reste une vulnérabilité importante. Malheureusement, l’Europe risque d’avoir des difficultés à sécuriser son approvisionnement en terres rares car elle ne dispose pas des réserves les plus intéressantes et a perdu le savoir-faire sur la chaîne de valeur de nombreuses applications. De plus, le recyclage est aujourd’hui inexistant et s’annonce plus difficile que pour d’autres métaux. L’extraction de terres rares en Chine s’est faite avec d’indéniables conséquences sanitaires et environnementales. Il faut cependant noter que ces conséquences néfastes sont

très localisées, qu’un petit nombre de sites fourni le monde en terres rares et que des conséquences observées aujourd’hui pourraient être réduites. On ne peut pas conclure que les technologies qui utilisent des terres rares ne sont pas intéressantes sur le plan écologique. Il faut juger l’intérêt de ces technologies et comparer les conséquences néfastes avec les technologies alternatives auxquelles elles se substituent. Voilà, j’espère que cette vidéo vous a plu et que vous avez appris plein de trucs.

Vous avez sans doute remarqué que j’ai choisi de me passer de deuxième personnage pour cette vidéo, n’hésitez pas à me dire ce que vous en pensez. Comme toujours, j’ai appris beaucoup de choses en faisant mes recherches même si j'avais déjà rencontré ce sujet à quelques reprises. Je n’avais pas réalisé que les terres rares avaient autant d’utilisations et que la production mondiale pouvait se reposer sur un nombre aussi limité de mines. En travaillant sur le sujet, j’ai d’abord cru que l’Europe avait suffisamment de réserves pour assurer son indépendance avant que quelques discussions sur Twitter ne me fassent revenir là-dessus. Je remercie mes relecteurs et d’autres interlocuteurs qui m’évitent de dire certaines bêtises. Vous avez peut-être vu qu’il y a eu une polémique avec la plateforme de financement Tipeee. Et si vous n’avez pas suivi l’histoire, vous pouvez regarder la vidéo de M. Phi sur

le sujet qui me paraît avoir le point de vue le plus convaincant. Pour ma part je comprends que certains jugent l’approche de Tipeee problématique et pour ceux qui veulent changer de plateforme, sachez que je suis aussi sur uTip. Tipeee constitue aujourd'hui la majorité de mes revenus donc je ne vais pas fermer ma page Tipeee mais je mettrai plus en avant uTip à l’avenir parce que j’ai une préférence pour leur approche. En plus, uTip prend moins de commission. Sans ces plateformes de financement et ceux qui me soutiennent en les utilisant, la vidéo que vous regardez ne serait pas là. C’est donc l’occasion, encore une fois, de remercier

du fond du cœur ceux d’entre vous qui permettent à ce contenu d’exister. C’était Le Réveilleur dans un nouveau décor et à bientôt sur le net !

2021-10-13 20:59

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